Editorial

Le pétrole : or noir...

Depuis plus d'un siècle, notre monde industrialisé s'appuie principalement sur cette ressource pour faire tourner son économie, se développer et s'étendre. C'est pourquoi les sites de production sont devenus des nœuds stratégiques cruciaux. C'est pourquoi des pays comme l'Irak demeurent une région stratégique. Dès 1960, Bagdad est la capitale des membres fondateurs de l'Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP). L'Irak y était un poids lourd, détenant une grande partie des réserves prouvées de pétrole brut. Les bénéfices de cette production ont été utilisés pour améliorer rapidement les infrastructures du pays, faisant de l'Irak l'un des pays les plus développés de la région en seulement quelques décennies. Des ressources bien utilisées peuvent faire passer un pays de la pauvreté à l'abondance en un court laps de temps. En ce sens, le pétrole est un or noir, une source de richesse inégalée. Mais il a ses revers. Les Pays-Bas en ont fait l'amère expérience par le passé : l'augmentation du développement économique d'un secteur spécifique (par exemple les ressources naturelles) peut entraîner le déclin d'autres secteurs (comme le secteur manufacturier ou l'agriculture). Ce phénomène est désormais communément appelé le "syndrome hollandais". Mais ce n'est pas ce qui affecte le plus l'Irak.

...ou sang du diable ?

Le pétrole et d'autres ressources essentielles ont conduit à plusieurs conflits dans le monde. L'invasion de l'Irak par une coalition internationale en 2003 est largement considérée comme une opération impérialiste visant à prendre le contrôle de la réserve de pétrole d'un pays indépendant. La convoitise des ressources de l'Irak a créé davantage de chaos et de désespoir par rapport à tout le développement qu'elle pouvait financer. Aujourd'hui, le pétrole est plus souvent considéré comme une malédiction que comme une bénédiction. Les acteurs locaux et internationaux se font concurrence pour contrôler sa production et son exportation. Les politiques développementalistes qui ont été la pierre angulaire de l'Irak depuis son indépendance ont conduit des politiciens corrompus et des acteurs non étatiques à recourir à tous les moyens pour profiter du pétrole aux dépens de la population. L'administration chaotique de l'Irak a été incapable de reconstruire le pays et d'assurer une redistribution équitable des bénéfices de sa rente.

Dans son dossier spécial sur le pétrole en Irak, The Red Line a choisi de mettre en lumière certains aspects importants de ce secteur vital. Dans notre première publication qui est sortie aujourd'hui, notre directeur de publication a choisi de donner la parole à Marc Eichinger, un lanceur d'alerte français qui a beaucoup travaillé en Irak et qui a récemment publié un livre exposant la collusion entre des acteurs irakiens et les militants d'ISIS pour exporter le pétrole des terroristes hors d'Irak via la Turquie en utilisant les services d'une société de logistique française. Notre deuxième publication, prévue pour le 6 janvier, est une analyse des causes et des conséquences du désaccord persistant entre Erbil et Bagdad concernant les accords sur le pétrole et les salaires tels que stipulés par la constitution irakienne. Notre troisième publication, qui sera diffusée le 8 janvier, nous emmènera dans la région de Garmian, au Kurdistan irakien, où les chefs locaux s'affrontent pour contrôler les profits du pétrole tandis que les entreprises internationales luttent pour rentabiliser leurs activités dans un contexte de crise sécuritaire dans la région. Enfin, notre quatrième article, dont la publication est prévue le 10 janvier, s'attarde sur les effets catastrophiques de l'industrie pétrolière et gazière dans la province de Bassora où d'innombrables cas de cancers seraient causés par des industries non réglementées.

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