Aux États-Unis, il faut noter que les 50 États ont tous adopté une loi anti-intimidation dans les écoles, le premier, étant la Géorgie en 1999, et plus récemment le Montana a adopté une loi anti-intimidation en avril 2015. Au Canada, c’est en 2012 qu’une loi a été adoptée par le gouvernement provincial du Québec pour lutter contre l’intimidation. Elle est entrée en vigueur la même année. l’Autriche a également imposé des lois aux enseignants avec un devoir légal de diligence pour assurer la sécurité et le bien-être de leurs élèves. Donc, les enseignants doivent se conformer professionnellement et éthiquement en intervenant dans les accidents d’intimidation.

Les Philippines ont adopté la loi anti-intimidation de 2013, qui oblige toutes les écoles primaires et secondaires du pays à adopter une politique anti-intimidation, et le Congrès chilien a approuvé la loi sur la violence à l’école, qui modifie la loi sur l’éducation publique afin d’établir des définitions, des procédures et des sanctions claires en matière de violence et d’intimidation à l’école« Tout comme certains condamnés à mort meurent de terreur quelques heures avant l’exécution de leur sentence, mon frère Ammar Ali est mort après avoir été isolé du monde extérieur, suite au harcèlement à répétition auquel il a été soumis » . résume Tahseen Ali pour raconter le drame de son frère.

Mort à l’âge de 24 ans, Ammar souffrait d’un défaut congénital à la tête et aux cheveux. « Sa chevelure ne poussait pas normalement et est restée de couleur claire. Cela a incité les gens autour de lui à l’intimider Même certains passants l’appelaient avec des termes étranges, très offensifs et parfois cruels ».

Tahseen déclare avec tristesse et douleur : « Mon frère a essayé par tous les moyens de surmonter l’intimidation, mais il n’y est pas parvenu, et à un moment donné, il a commencé à boire de l’alcool et à adopter un comportement bizarre pour tenter d’attirer l’attention avec autre chose que son apparence. Mais tout cela fut en vain ».

« Ammar a subi des brimades de la part de personnes qui étaient les plus proches, et de la part de ceux dont il voulait se rapprocher, et de ceux à qui il aimait parler. Même avec ses proches, le harcèlement revenait sans cesse. » ajoute Tahseen.

Ammar s’est retrouvé dans un très mauvais état psychologique, isolé du monde et cloîtré dans la maison pendant plusieurs mois. Il comptait sur les membres de la famille pour acheter ses besoins personnels. « Ammar s’est rabattu sur les réseaux sociaux et a créé des comptes avec lesquels il pouvait communiquer avec d’autres personnes, mais il n’était pas en mesure de mettre sa vraie photo de profil ce qui a augmenté sa douleur et aggravé son état, jusqu’à ce qu’il meure, soudainement ».

L’année dernière, l’Independent Research Group a mené une enquête sur l’intimidation en Irak, auprès de 2 000 Irakiens, et les pourcentages ont montré qu’environ 15 % d’entre eux avaient été victimes de harcèlement et 10 % étaient de type sectaires. 10% concernent le genre, la couleur ou la l’ethnicité de leurs victimes.

Une perspective scientifique

Dans son interview à The Red Line, le psychiatre Wissam Al-Dhanoon explique que le harcèlement est de plusieurs catégories, soit tantôt physique, tantôt psychologique [c’est-à-dire verbal]; le harcèlement est une forme de violence dans tous les cas, et l’une de ses causes les plus importantes est la violence domestique. Il est à noter que les responsables du harcèlement ont parfois des conditions psychiatriques spécifiques liées à l’isolement, à des problèmes de communication les poussant à intimider les autres afin d’obtenir ce qu’ils veulent.

« Il existe un autre problème, à savoir que la personne victime de harcèlement est déjà faible et non préparée à faire face aux problèmes, ce qui en fait une cible facile pour les autres. Même ceux qui n’intimident pas les autres, nous les voyons intimider cette personne », explique le psychiatre. 

À la question de savoir si une victime de brimades peut devenir plus tard un agresseur, le spécialiste a répondu : « La personne qui est victime de brimades peut aussi devenir violente à l’avenir, comme une réaction naturelle, mais cela n’arrive pas toujours, car la victime de brimades est exposée à la dépression et a souvent peur, et sa personnalité est faible, mais il y a des réactions de certaines personnes qui ont été victimes de brimades, et ce pourcentage est faible ».

En réponse à une question sur la façon dont les brimades affectent ceux qui y sont exposés, il a déclaré que : « La personne qui est victime de brimades devient déprimée, ce qui lui apporte de nombreuses maladies, notamment cardiovasculaires et parfois la dépression conduit au suicide, et l’un de ses autres effets sur les enfants est leur refus d’aller à l’école ».

Le mois d’octobre dernier, la Commission irakienne des droits de l’homme a rappelé que le Conseil des droits de l’homme des Nations unies appelait les États membres à prendre toutes les précautions nécessaires pour prévenir et protéger les enfants contre tous les types de discrimination et d’abus, en particulier sur les plateformes numériques. En outre, ils doivent mettre en place des organisations dotées d’un financement adéquat et chargées, entre autres, de prévenir et de corriger les effets négatifs du cyber-harcèlement.

Le gouvernement et le Parlement irakiens ont ainsi été invités à prendre des mesures urgentes pour prévenir le cyber-harcèlement visant les enfants, à légiférer sur la loi de protection de l’enfance et à imposer des sanctions dissuasives aux parties et aux personnes qui intimident les enfants.

Rôle de l’approche participative

Dans ce contexte, l’ancien membre de la Commission des droits de l’homme, Anas Al-Azzawi, a expliqué lors d’une interview avec The Red Line, que le phénomène de l’intimidation a déjà commencé à augmenter dans la société irakienne, faisant autant de ravages que d’autres phénomènes tels que le suicide, la mendicité et la toxicomanie. « De tels phénomènes nécessitent des politiques publiques, des programmes gouvernementaux et un rôle participatif clair pour les institutions de la société civile, afin de les traiter avant qu’ils ne s’aggravent et ne se transforment et finissent par perturber le corps de la société en profondeur».

Concernant les enfants, il souligne que : « Le phénomène des brimades contribue à ce que ses victimes abandonnent l’école ou commencent à se droguer pour échapper à la réalité, et c’est là l’un de ses pires impacts. Il n’est donc nécessaire que toutes les institutions publiques concernées et la société civile jouent un rôle actif pour éduquer la société sur ce phénomène et l’empêcher de se transformer en fléau ».

Il souligne que : « La nécessité d’intensifier les programmes de sensibilisation et les cours d’éducation dans la société, pour qu’elle soit un mur contre ces phénomènes, et de concentrer sur les écoles, les universités et les autres établissements d’enseignement, car ce sont les lieux qui contiennent le phénomène de l’intimidation ».

Réflexion sur l’éducation

Dans son entretien avec The Red Line, Mr. Ammar Attia, superviseur de l’éducation en Irak, a expliqué que le problème du harcèlement a augmenté dans les écoles au point d’être devenu banal. Il arrive que les enseignants soient agressés, battus, insultés ou intimidés, que ce soit dans les salles de classe ou par le biais des réseaux sociaux. « L’absence de protection sécuritaire fait que le personnel enseignant ne termine pas toujours son parcours professionnel ni n’achève ses objectifs académiques. De nombreux enseignants irakiens vivent dans une atmosphère d’anxiété et de peur, alors qu’ils sont censés être des représentants de l’État apportant présente une thèse scientifique ».

Al-Attiyah souligne que le harcèlement à l’école a incité beaucoup d’élèves à arrêter de s’y rendre.  «Lorsque nous contactons les parents de certains étudiants pour demander la raison de l’absence de leurs enfants, ils nous disent qu’ils ont été menacés ou intimidés, et même agressés sexuellement », explique le superviseur, notant que l’intimidation a causé une baisse significative du nombre d’étudiants, des niveaux d’éducation des étudiants, et a conduit à une augmentation notable du taux de redoublement. «Nous n’avons pas vu de solutions réalistes et directes à ce phénomène. Nous avons organisé plusieurs réunions avec les parents pour mettre un terme à ces comportements, mais nous ne sommes pas parvenus à une solution décisive. Au contraire, le plus difficile est que certains parents élèvent la voix contre l’enseignant, ce qui permet aux élèves d’imiter ce comportement immoral » ajoute-t-il, préoccupé.

L’intimidation dans les médias

Journaliste et présentateur télé, Mr. Hussam Al-Hajj éclaire la question du harcèlement dans le milieu des médias : « Toute personne qui s’oppose à un service public est exposée à des brimades ou à des insultes systématiques par des armées électroniques; j’ai moi-même été soumis plus d’une fois à des attaques organisées et payées par des partis sur les médias sociaux ».

Il affirme : « Critiquer un parti particulier ouvre la porte à l’intimidation par son public, et aussi parler des avantages d’un parti, pousse les autres partis à l’intimidation, la transgression et l’abus ». Il ajoute que : « Dans la sphère des médias politiques, l’intimidation est basée sur l’orientation et l’opinion, et non sur l’apparence ou d’autres détails ».

Cependant, Mr. Al-Hajj révèle qu’il y a des professionnels des médias qui ont pris du recul à cause des brimades dont ils ont été victimes, tandis que d’autres ont résisté aux armées électroniques. «Cette situation est le résultat d’un conflit au sein de la société au niveau des concepts, des identités et des idéologies. Par conséquent, il est nécessaire d’éduquer à cet égard, malgré la difficulté d’éliminer ce phénomène ».

En Irak, les réseaux sociaux regorgent de dizaines de pages qui attaquent et malmènent les journalistes, et font circuler des vidéos d’eux, y compris un dérapage ou un mouvement spontané, et les utilisent contre eux.

De plus, il existe depuis peu en Irak des créateurs de contenu qui sont apparus et dont le but est d’intimider d’autres personnalités en ligne en utilisant des séquences provenant de divers canaux. Grâce aux réseaux sociaux, plusieurs titres ont été introduits pour les professionnels des médias et les artistes, et ces titres sont désormais plus courants que les noms réels des individus. En conséquence, ces titres impliquent fréquemment des brimades, par exemple lorsque la victime est comparée à un animal ou utilise un langage abusif.

Le rôle des organisations

Dans le même contexte, Nidal Al-Abadi, une universitaire, une chercheur sociale, le chef de l’organisation Oyoun pour la culture, et le représentant des Nations Unies pour l’UNESCO, a déclaré lors d’une interview avec The Red Line, que: « Les organisations internationales et les organisations de la société civile n’ont pas joué un rôle sérieux dans la lutte contre le phénomène de l’intimidation au sein de la société ».

La chercheuse souligne que les personnes atteintes du syndrome de Down sont devenues des proies faciles pour les intimidateurs, ce qui a jeté une ombre sur leur état psychologique, leur croissance et l’amélioration de leur santé, et elles sont devenues un moyen de gagner de l’argent uniquement pour certaines organisations qui profitent de leur condition ».

Il convient de mentionner que l’un des programmes les plus testés est le programme de prévention des brimades Olweus, qui a été mis au point par le psychologue suédo-norvégien Dan Olweus, qui a dirigé une grande partie des premières recherches universitaires sur la maltraitance des enfants. Le programme est basé sur un postulat: les cas individuels de harcèlement sont souvent le produit d’une culture plus large qui tolère la victimisation, en conséquence, le programme tente de remédier à l’ensemble des problèmes scolaires afin que les mauvais comportements ne s’y développent pas.

Des recherches spécialisées indiquent que le stress causé par les brimades peut avoir des effets négatifs sur le corps pendant des décennies après l’événement. Selon l’analyse des données d’une étude à long terme qui a duré 50 ans, il a été constaté que les brimades répétées entre l’âge de 7 et 11 ans sont associées à des niveaux plus élevés de diverses infections. Et l’obésité à l’âge de 45 ans.

L’approche juridique

L’expert juridique, Adnan Al-Sharifi nous explique que du point de vue légal, le harcèlement est une agression. Celle-ci est punie par le Code pénal irakien avec plusieurs articles, que l’agression concerne des menaces, des querelles ou des dommages, etc. 

« Les articles de protection pour les personnes touchées par l’intimidation dans le Code pénal sont 413, 414, 430 et 431, où une personne qui pourrait prouver qu’elle a été dans le cadre d’un harcèlement peut déposer une plainte au tribunal », explique le juriste, notant que les procédures entraînent la soumission du plaignant à des examens médicaux, et dans le cas où il est prouvé qu’il a causé un trouble psychologique à sa victime, l’agression est alors considérée comme un crime selon l’article 412. En revanche, si elle ne cause pas de handicap, elle est considérée comme un délit selon l’article 414.

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En Irak, de telles mesures législatives sont inexistantes ou floues. Alors que les recherches montrent que le problème du harcèlement a des effets psychologiques catastrophiques sur les individus jeunes et fragiles, il reste un long chemin à parcourir afin de prévenir ces comportements vicieux.