Elles ont brisé les restrictions et défié les normes sociales… De nombreuses femmes Irakiennes sont contraintes d’exercer des professions habituellement monopolisées par les hommes. Travailler dans des métiers difficiles est un moyen pour elles de gagner leur vie. Certaines d’entre elles travaillent dans des briqueteries à la périphérie de Bagdad et d’autres pratiquent des métiers normalement réservés aux hommes comme la mécanique automobile.

Dans les briqueteries de la région de Nahrawan, au sud de Bagdad, des dizaines de femmes ainsi que des enfants travaillent, la plupart d’entre elles étant contraintes de le faire pour assurer la subsistance de leur familles suite à des drame. Des milliers de ménages irakiens ont ainsi perdu leurs hommes sur le champ de bataille, et en Irak, ce sont généralement les hommes qui rapportent un salaire au foyer.

Une femme vaut mille hommes

Umm Abdullah, la cinquantaine, est une ouvrière d’usine originaire d’Al-Nahrawan. Elle travaille de cinq heures du matin à sept heures du soir, pour moins de cinq dollars par jour tout en faisant face à des conditions de travail difficiles.

Umm Abdullah a commencé à travailler là-bas après avoir perdu son mari et gagne-pain familial dans une guerre à l’époque où Saddam Hussein régnait sur l’Irak. Sans ce travail, elle ne peut plus nourrir ses sept enfants. Umm Abdullah dit qu’elle est venue du gouvernorat d’Al-Diwaniyah dans la région de Nahrawan à Bagdad à la recherche de travail et qu’elle a dû forcer ses enfants à quitter l’école et à la rejoindre pour faire ce travail difficile afin de l’aider à gagner sa vie au quotidien.

La plupart des briqueteries situées à la périphérie des villes irakiennes, en particulier dans le sud de Bagdad, ont des normes de sécurité et des conditions de travail déplorables. Elles ne disposent pas de machines modernes pour aider les travailleurs. Ainsi, les responsables ont recours à une main-d’œuvre pas chère comme des femmes rurales, des analphabètes, des veuves ou des enfants.

A l’usine, les femmes font face aux mêmes dangers que les hommes. Umm Qassem, qui travaille depuis des mois dans l’usine de Nahrawan, s’est cassé la jambe après qu’une rangée de briques lui est tombée dessus. Elle dit également qu’un certain nombre de ses collègues ont subi de nombreuses blessures à la tête, aux mains et aux jambes en raison de l’absence de procédures de sécurité dans un environnement de travail comportant d etels risuqus.

Les femmes irakiennes se sont également lancées dans d’autres professions normalement réservées aux hommes telles que la mécanique automobile. Cela s’explique par les dégradations des conditions de vie des Irakiens ainsi que par un marché du travail saturé qui pousse les femmes vers de nouveaux secteurs professionnels.

À 36 ans, Umm Reda est la première femme à être devenue mécanicienne professionnelle en Irak. Elle explique avoir acquis de l’expérience dans la réparation automobile auprès de son père, car elle travaille avec lui depuis qu’elle est jeune. Depuis sa mort, elle a pris la direction de son garage.

Malgré ses deux diplômes universitaires, Umm Reda n’a eu aucune opportunité d’embauche dans le secteur public. Par conséquent, elle n’a pas eu d’autre choix que de travailler dans le garage de réparation automobile de son père. Elle dit rêver d’ouvrir un grand atelier, de former des équipes de femmes pour travailler dans ce secteur et de réparer les voitures appartenant à d’autres femmes qui ont peur d’aller dans les centres industriels dirigés par des hommes.

Femmes et droit du travail en Irak

Selon l’expert juridique Tariq Harb, le droit irakien a peu à peu évolué pour intégrer une réglementation du travail des femmes après leur entrée progressive sur le marché du travail, bien que le pouvoir législatif irakien soit largement dominé par des hommes.

Mais la prise en compte des conditions de travail des femmes en Irak n’est pas seulement né dans l’hémicycle national. Elle s’est également construite dans un élan international. Depuis sa création après la Première Guerre mondiale, l’Organisation internationale du travail des Nations Unies a adopté plusieurs accords visant à protéger les travailleuses. Le plus important de ces accords est la Convention n° 3 de 1919 et ses articles ultérieurs, qui interdisent le travail des mineurs. Cette convention réglemente également le travail des femmes en déterminant leur salaire et en protégeant notamment leurs droits à des congés de maternité.

Mr. Harb a déclaré que la loi irakienne n° 37 de 2015 sur le travail était axée sur l’interdiction d’employer des femmes à certains métiers stressants ou dangereux pour la santé. En conséquence, le législateur irakien a pris en compte les capacités physiques des travailleuses pour déterminer la nature des métiers qu’elles seraient amenées à exercer ainsi que pour empêcher l’emploi de femmes dans des conditions stressantes ou préjudiciables qui puissent entraîner des accidents, des risques professionnels ainsi que de mauvaises conditions psychologiques et morales. “Pourtant, la réalité est que des milliers de femmes irakiennes travaillent dans des conditions difficiles car les réglementations ne sont pas appliquées par les autorités gouvernementales”, déclare l’expert juridique.

Les femmes poussées sur le marché du travail

Les guerres que l’Irak a traversées et les conditions économiques déplorables des dernières décennies ont provoqué de nombreux changements dans la société irakienne. Cela a ainsi poussé de nombreuses femmes à entreprendre des métiers difficiles tels que les travaux de construction.

Selon le chercheur en sciences sociales Ali Jawad, De nombreuses femmes irakiennes ont ainsi intégré des professions à risque comme chauffeuses de taxi, des emplois dans des centres industriels ou dans des briqueteries. 

Mr. Jawad a souligné que les femmes travaillant dans ces domaines n’ont pas attendu que le gouvernement fasse attention à leur conditions sociales et économiques et se sont lancées d’elles-mêmes afin de gagner leur vie. Il a également rappelé la nécessité et la responsabilité qu’a le gouvernement de préserver les droits de ces femmes qui exercent des métiers difficiles:  “Le gouvernement devrait fournir des soins et une protection sociale à l’avenir. Le ministère du Travail devrait mener régulièrement des enquêtes sur le terrain et des visites d’inspection sur les lieux de travail des femmes et améliorer leurs conditions de travail en obligeant leurs employeurs à se conformer aux normes internationales. Il devrait également faire appliquer les lois réglementant les contrats de travail afin d’empêcher l’expulsion des employés par des employeurs sans scrupules”, souligne le chercheur.

Dr Nada Al-Abedy, une chercheuse en affaires médicales, explique que les femmes portent un lourd fardeau dans la société irakienne. Cela est particulièrement vrai, dit-elle, pour celles qui travaillent dans des professions difficiles et ont une double responsabilité en plus de s’occuper de leurs enfants lorsque leur travail quotidien est terminé.

Al-Abedy a souligné que la rareté des offres d’emploi pour les femmes en Irak les a amenées à pratiquer de plus en plus d’activités épuisantes qui les conduisent également à exposer leur vie privée, une question hautement sensible dans la société irakienne.

Métiers difficiles et impact social

Al-Abedy a mis en garde contre les effets sociaux du recours des femmes à des métiers difficiles pouvant affecter considérablement leurs familles. Elle a critiqué l’absence du gouvernement dans la satisfaction des besoins économiques des femmes et a exigé le développement de programmes et de plans sociaux pour offrir des opportunités d’emploi qui conviendraient au statut social et aux capacités physiques des femmes. Ces programmes devraient également limiter l’entrée des femmes dans des professions difficiles en raison de leurs répercussions dangereuses.

En travaillant, des milliers de femmes irakiennes se sont exposées à d’importantes difficultés afin de nourrir leurs proches. Afin de joindre les deux bouts, beaucoup endurent les emplois les plus difficiles. Les femmes à la campagne sont les plus vulnérables aux abus, car les employeurs avides les exploitent.

Dans ces conditions de précarité généralisée, les organisations internationales et locales concernées par la protection des droits des femmes jouent un rôle important. Beaucoup d’Irakiennes demandent ainsi à ce que la société civile et les institutions internationales fassent pression sur les autorités gouvernementales afin de protéger les travailleuses irakiennes des conditions peu enviables qu’elles rencontrent sur le marché du travail. 

ViaMohammed Al-Awwad